samedi 7 juin 2008

Cligès (les amants surpris)


...
Le chevalier se nommait Bertrand.
L'épervier avait pris son essor,
Après avoir manqué une alouette.
Ce serait jouer de malchance
Pour Bertrand, s'il perdait son épervier.
Au pied de la tour, dans le verger,
Il l'a vu descendre et se poser.
Il était content de le voir,
Pensant ne plus pouvoir le perdre.
Il s'agrippe aussitôt au mur
Et réussit à passer de l'autre côté.
Sous l'ente, il voit dormir ensemble
Fénice et Cligès, nue à nu.
"Mon Dieu, fait-il, que m'est-il arrivé?
Quelle est la merveille que je vois?
N'est-ce pas Cligès? Oui pour sûr.
N'est-ce pas l'impératrice avec lui?
Que non! Mais elle lui ressemble
Comme jamais deux être ne se ressemblèrent.
Elle a le front la bouche et le nez
Qu'avait ma dame l'impératrice.
Jamais Nature ne sut faire
Deux êtres plus ressemblants.
Je ne vois rien de celle-ci
Que je n'ai vu chez ma dame.
Si elle vivait encore, je dirais
A n'en pas douter que c'est elle."
A cet instant, une poire se détache,
Tombe près de l'oreille de Fénice.
Elle sursaute et se réveille,
Elle crie en voyant Bertrand:
"Ami, ami, nous sommes morts!"
...

Chrétien de Troyes : Cligès

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