lundi 28 avril 2008

Lucrèce Borgia


Lucrèce Borgia se marie; il est juste
Que tous les cardinaux brillent à ce gala,
Ceux du moins épargnés par la cantarella,
Ce poison plus cruel que tous ceux de Locuste.

Près d'eux trône César, jeune, féroce, auguste.
L'évêque de Paphos, vêtu de pourpre, est là;
Et le pape, à côté de Giulia Bella,
Montre, comme un vieux dieu, sa poitrine robuste.

Les parfums de la chair et des cheveux flottants
S'éparpillent dans l'air brûlant, et comme au temps
De Caprée, où Tibère épouvantait les nues,

Entrelaçant leurs corps impudiques et beaux,
Sur les rouges tapis cinquante femmes nues
Dansent effrontément, aux clartés des flambeaux.

Théodore de Banville

vendredi 4 avril 2008

Cléopâtre


Dans la nuit brûlante où la plainte continue

Du fleuve pleure, avec son grand peuple éternel

De Dieux, le palais, rêve effroyable et réel,

OùSe dresse, et les sphinx noirs songent dans l'avenue.


La blanche lune, au haut de son vol parvenue,

Baignant les escaliers élancés en plein ciel,

Baise un lit rose où, dans l'éclat surnaturel

De sa divinité, dort Cléopâtre nue.


Et tandis qu'elle dort, délices et bourreau

Du monde, un dieu de jaspe à tête de taureau

Se penche, et voit son sein où la clarté se pose.


Sur ce sein, tous les feux dans son sang recélés

Etincellent, montrant leur braise ardente et rose,

Et l'idole de jaspe en a les yeux brûlés.

Théodore de banville

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